mardi 15 novembre 2011

3) La communauté humaine, contemplatrice du chaos



   La première communauté à observer l'autre, est la communauté extraterrestre. C'est d'ailleurs de cette façon que commencent les trois œuvres que nous étudions, avec l'idée que l'homme est regardé par des intelligences supérieures. En cela, les extraterrestres ont une supériorité visuelle: effectivement, les hommes ne commencent à les observer que lors de l'invasion. De plus, alors que les non-Terriens scrutent, les Terriens ne peuvent que contempler.
Un élément est indissociable de la mythologie de La guerre des mondes: les scènes de foule. Cela permet alors l'association de deux idées contraires: la collectivité et l'individualité. Cette dualité improbable conduit alors à une vision panoramique de l'invasion.
Dans l'œuvre d'H.G Wells, les scènes de foules sont nombreuses, et se concentrent plus particulièrement lors du récit du frère du narrateur. Cela s'explique notamment par le fait qu'il soit dans la capitale, donc entouré d'une population plus dense. Ainsi, nous retrouvons à la fois un principe d'individualité et de collectivité à travers les passages descriptifs. La foule est décrite précisément: « Des femmes, au visage triste et hagard, piétinaient dans la foule avec des enfants qui criaient et qui
trébuchaient...de vigoureux ouvriers se frayaient un chemin à la force des poings... ». Ces personnes sont alors définies par leur condition physique mais également par leur action, ce qui permet de diversifier chaque personne, ou groupe de personne. Pourtant, malgré cette diversité, leur regard sur l'invasion est le même, comme le précise le narrateur un peu plus loin dans le texte: «Malgré sa composition variée, cette multitude avait divers traits communs: la douleur et la consternation se peignaient sur les faces, et l'épouvante semblait être à leurs trousses ».  L'invasion les rassemble car leur regard est similaire. La perception des extraterrestres que partage cette foule est en réalité la perception humaine, elle est donc universelle.
Le regard est ce qui lie les hommes: l'observation collective entraîne une réaction collective. Nous pouvons prendre comme exemple la scène du ferry, au bord de la rivière.
Que cela soit dans le livre ou dans la version de Steven Spielberg, les étapes sont les mêmes: la foule se dirige tranquillement vers le bateau. A la vue des tripodes, il y a un instant de fascination, puis la panique se repend. Mais ce qui est mis en exergue, c'est avant tout la phase d'observation collective.
Dans le livre, le narrateur décrit ce passage ainsi: « A la vue de ces étranges, rapides et terribles créatures, la foule qui se pressait sur les rives sembla un instant frappée d'horreur. Il n'y eut pas un mot, pas un cri, mais le silence ». Le silence permet de mettre en exergue la dimension visuelle; les termes « frappée d'horreur » démontre l'idée que la perception des tripodes n'est pas compatible avec la perception ordinaire des hommes et de leur monde. Cela explique alors le foudroiement, le choc provoqué par cette vision d'horreur. Dans le film de Steven Spielberg, la scène est très similaire, comme nous pouvons le voir dans cet extrait.


Les protagonistes sont les premiers à apercevoir les tripodes. Le reste de la foule ne se retourne que par le biais de la dimension sonore qui focalise alors leur attention. De plus, l'observation collective est progressive, les personnages se retournent de petit à petit, ce qui met encore plus en exergue le regard individuel de chaque personnes avant la vue des tripodes. La panique qui se repend est alors générale, la même perception des choses entraîne des actions similaires. En quelque sorte, c'est comme si le fait de regarder l'horreur faisait passer la foule d'un principe de particularisation à un principe de généralisation.
Dans la version de Byron Haskin, ce passage n'a pas été adapté, mais nous pouvons prendre comme exemple la séquence de fuite, ou plutôt d'exode. L'ordre a été donné d'évacuer la ville, et comme nous pouvons le voir sur ces images, les habitants n'ont d'autre choix que de fuir.

 
Il y a plusieurs plans, qui s'enchainent, tournés à la ville, à la campagne, aux abords des villes ou sur les routes: de plus, la foule est diversifiée, nous voyons tantôt des femmes, des enfants, des hommes...Il y a alors une ambiguïté: la multitude de plans met en scène la même action, c'est à dire la fuite. Cela démontre l'idée que peu importe l'identité ou l'individualité de toutes ces personnes, l'action ne peut être que collective face à l'invasion. Vu que le regard empreint d'horreur sur les extraterrestres est général, les réactions ne laissent pas de place à la particularité: tout le monde fuit.
Bien qu'il y ait une exception, le protagoniste: il ne quitte pas la ville mais décide de rester pour sauver sa compagne. Ce comportement individuel, qui contraste avec le reste, permet de mettre en exergue le héros qui se différencie alors des autres hommes.
  Nous pouvons alors comprendre que la perception de l'invasion extraterrestre par les hommes conduit à une généralisation de la race humaine. Étudier ce que signifie le regard permet alors d'en apprendre plus sur celui qui observe. L'intérêt de cette thématique serait alors la compréhension, et c'est d'ailleurs ce qui caractérise La guerre des mondes. Mythe instauré dans la culture médiatique, il engendre une réflexion universelle.