mardi 29 novembre 2011



« Personne n’aurait cru, dans les dernières années du XIXème siècle, que les choses humaines fussent observées, de la façon la plus pénétrante et la plus attentive, par des intelligences supérieures aux intelligences humaines et cependant mortelles comme elles… ». Ainsi commence La guerre des mondes, roman de science-fiction écrit en 1898 par le britannique H.G Wells. Considéré comme un des précurseurs du genre, tout comme le français Jules Verne, il est un des premiers écrivains à mettre en scène une invasion extraterrestre de grande ampleur, violente et destructrice : mais ce qui fait la particularité de cette œuvre, outre cet aspect innovant, c’est de considérer, que la race humaine puisse être « observée ». La menace est bien là dès l'ouverture du roman, car dans l’esprit du lecteur, personne, à part l’homme lui-même, ne peut se contempler. Un regard extérieur sur notre condition ne peut qu’engendrer un puissant et indéfinissable sentiment d’infériorité, l’homme devenant un objet d’observation, tel un animal dans un laboratoire. Le regard est alors source de danger, puisqu’il n’est pas réciproque : il n’est plus un outil important de la communication, mais plutôt ce qui permet, avec une curiosité malsaine, d’étudier l’autre. 
Cet incipit, centré sur la thématique de la civilisation humaine vu en tant que sujet d’étude, est reprit dans l’introduction de deux adaptations cinématographiques du roman d’H.G Wells, celle de Byron Haskin en 1953 et celle de Steven Spielberg en 2005, deux œuvres éponymes. Cette ouverture, qui semble primordiale, permet d’insister sur l’idée que le regard est au cœur  de La guerre des mondes
« Un regard est dans tout pays un langage », selon Georges Herbert, poète du XVIIème siècle. Il a donc un caractère universel, tout comme l’invasion extraterrestre. De plus, l’observation permet la compréhension : tout comme les martiens qui scrutent les hommes pour comprendre un mode de vie qui leur est inconnu et en tirer des conclusions, le regard est source de réponses, après réflexion. L’interrogation est alors engendrée au sein de la fiction romanesque. 
  Nous allons nous intéresser à l’œuvre première de La guerre des mondes, celle de H.G Wells, et à ses deux adaptations cinématographiques, réalisées respectivement par Byron Haskin et Steven Spielberg: le choix de ces trois œuvres distinctes permet une étude à la fois précise et générale de ce qui est devenu aujourd'hui une fiction mythologique. 
  Nous verrons alors qu'elles sont ancrées dans l’imaginaire collectif, et qu'elles comportent, notamment par la thématique du regard, un aspect métafictionnel. Alors que La guerre des mondes est au cœur de la science-fiction, l’enjeu de cette invasion extraterrestre est avant tout de regarder l’apocalypse, provoquant alors une réflexion universelle.

vendredi 25 novembre 2011




En quoi La guerre des mondes d'H G Wells et ses adaptations cinématographiques, ancrées dans l'imaginaire collectif, comportent, par la thématique du regard, un aspect métafictionnel?


I) La guerre des mondes au cœur de la science fiction
   1) La mythologie extraterrestre de La Guerre des mondes
   2) Les adaptations cinématographiques ou l'intérêt des"images"
   3) Regards multiples sur La guerre des mondes, entre transposition et réinterprétation

II) L'enjeu de l'invasion extraterrestre: regarder l'apocalypse
   1) Montrer l'impensable: les choix narratifs et scénaristiques
   2) Voir l'impensable: le rôle du héros
   3) La communauté humaine, contemplatrice du chaos

III) La guerre des mondes: une réflexion universelle
   1) De l'historicité: regarder la fiction pour comprendre le monde
   2) L'observation de la nature humaine par le biais de l'invasion extraterrestre
   3) Une perception suprahumaine

jeudi 24 novembre 2011

I) La guerre des mondes au cœur de la science-fiction


1) La mythologie extraterrestre de La guerre des mondes

  
  Le roman de H.G Wells, ainsi que ses adaptations cinématographiques, sont à l'heure actuelle une partie conséquente de la culture populaire. La guerre des mondes, dans son ensemble, répond aux caractéristiques propres à la notion de mythe: il s'agit d'une fiction répétée, reprise et mémorisée, qui s'intègre au patrimoine culturel des sociétés. Cette même fiction se caractérise ainsi: des extraterrestres envahissent la Terre pour les ressources naturelles qu'elle possède, en exterminant froidement les hommes.
Nous pouvons alors nous interroger sur l'ancrage de La guerre des mondes dans l'imaginaire collectif: comment cette invasion extraterrestre, caractérisée par sa pluralité des formes et des supports, acquiert-elle une portée mythologique?

La guerre des mondes,H.G Wells, Folio
 
  L'œuvre première est celle d'H.G Wells, qui devient alors le texte référent. Ce roman n'est pourtant pas le premier qui évoque l'existence d'une vie extraterrestre. Effectivement, le conte Le Coupeur de bambou, texte japonais du Xème siècle, aborde cette thématique: il s'agit de l'histoire de Kagoya-Hime, princesse de la lune, qui est envoyée sur la Terre pour réchapper à la guerre. Cet exemple démontre que l'idée d'une vie en dehors du monde terrestre est depuis longtemps présente au sein du domaine fictionnel.
Mais La guerre des mondes tient sa particularité du fait qu'il s'agisse du premier affrontement à grande échelle entre l'humanité et les extraterrestres. L'errance du narrateur dans la banlieue de Londres, à la recherche de sa femme, se déroule à travers un cadre apocalyptique, où les Martiens ont envahi la Terre et exterminent froidement les hommes. Le choix de la planète Mars s'explique par les découvertes de l'époque: en 1877, l'astronome italien Giovanni Virginio Schiaparelli, après de nombreuses observations, défend l'existence de canaux sur cette planète. Notons que ce scientifique est un personnage de l'incipit: malgré le sujet du roman qui est particulièrement novateur, La guerre des mondes est une œuvre qui va de pair avec son époque, et qui par conséquent a bénéficié d'un important succès.

Couverture du New-York Times, le 31/10/1938
 
  En 1938, un évènement va considérablement ancrer l'invasion extraterrestre, telle qu'elle est évoquée dans le roman d'H.G Wells, dans l'imaginaire collectif: il s'agit de l'intervention radio d’Orson Welles, la veille d'Halloween, sur la station CBS. Dans le cadre de son émission « Mercury Theater on the air », il adapte sous forme de pièce de théâtre La guerre des mondes à la radio, ce qui va provoquer une vague de panique aux Etats-Unis, comme le montre l'article de journal ci-contre, paru le lendemain de l'évènement. Cet incident permet de démontrer le pouvoir de l'information, mais surtout celui de la fiction, qui dans ce cas précis empiète sur la réalité.
De plus, cet événement est lui-même devenu un mythe à part entière: les conséquences ont été amplifié au fil du temps (par exemple, comme le prétend pourtant la légende, il n'y a pas eu de vague de suicides), et de nombreuses personnes ont été convaincus, bien après les faits, d'une réelle invasion extraterrestre ce soir-là.

 
Nous pouvons également dire que le cinéma a eu un rôle prépondérant dans la construction du mythe de cette invasion extraterrestre. La popularité de La guerre des mondes dans la fiction populaire et l'émergence du 7ème art au cours du 20ème siècle engendrent deux adaptations cinématographiques éponymes.

affiche de La guerre des mondes, Byron Haskin, 1953
 
Le premier film, sorti en 1953, est réalisé par l'américain Byron Haskin. L'action se situe en Californie, à Linda Rosa. Le docteur Clayton Forrester, scientifique renommé, accompagné de Sylvia Van Buren, une charmante enseignante en science, vont se retrouver confrontés à une invasion Martienne sans précédent.
Cette thématique extraterrestre était particulièrement à la mode dans les années 50, notamment par le biais du cinéma: par conséquent, ce film s'inscrit dans une certaine logique fictionnelle propre à son époque, cela expliquant entre autre son succès.

Affiche de La guerre des mondes, Steven Spielberg, 2005
 
  

  La deuxième adaptation est celle de Steven Spielberg, en 2005. Cette fois, il s'agit du périple d'un père de famille du nom de Ray Ferrier, et de ses deux enfants, de la banlieue New-Yorkaise jusqu'à Chicago.
A ce propos, il ne s'agit plus de Martiens: cela s'explique principalement par les nombreuses études, depuis la précédente adaptation, qui ont démontré qu'il n'y avait pas de vie sur Mars. Le fait de ne pas dévoiler la planète d'origine de l'invasion extraterrestre contribue à la vraisemblance de la fiction, pour la simple raison qu'il est impossible de contredire scientifiquement un élément qui n'est pas mentionné: l'invasion semble alors contenir un aspect plausible.

 
  La guerre des mondes s'inscrit véritablement dans la culture médiatique à travers ses différentes formes et supports, pour plusieurs raisons. D'une part, les œuvres sont représentatives d'une époque, et d'autre part, elles s'ancrent dans l'imaginaire collectif  par le biais de la fiction qui frôle le domaine du réel, comme le démontre notamment l'intervention radio de Orson Welles. Egalement, cette invasion extraterrestre, d'ordre fictionnel, prend une ampleur considérable lorsqu'elle est adaptée au cinéma. Cela nous amène à nous interroger sur l'apport des images au sein de la fiction.