mardi 8 novembre 2011

3) Une perception suprahumaine


  L'invasion extraterrestre met indéniablement l'Homme au centre de son propre univers: il est dans la capacité d'observer, et de s'observer, pour en apprendre plus sur son monde et sur lui-même. Pourtant, La guerre des mondes, par le biais de sa réflexion universelle, dépasse largement le cadre humain, pour s'intéresser à des valeurs d'ordre supérieur.
Cela se démontre précisément dans la conclusion des trois œuvres. Les défenses humaines sont inefficaces face à l'invasion, et l'extermination semble inévitable: pourtant, brutalement, les extraterrestres sont vaincus par des bactéries Terriennes. Elles ont toujours été là, et l'homme s'en est accommodé, ce qui n'est pas le cas des extraterrestres: n'ayant pas développé d'immunisation, ils ne peuvent qu'en mourir. 
Ces fameuses bactéries, qui condamnent les Martiens, prêtent à confusion. Pourtant victorieuses, elles sont surtout représentatives de plusieurs idéaux qui s'entrecroisent et qui fusionnent entre eux.
La thématique de la religion est notamment présente: c'est Dieu, qui dans sa sagesse, a créé ces bacilles pour protéger les Hommes.
Dans le roman d'H.G Wells, il est écrit qu'il s'agit d'un « élan de gratitude par la divinité ». Cette idée est reprise dans la conclusion des deux adaptations cinématographiques, où le rôle de dieu est mentionné. Notons également que la référenciation est particulièrement claire dans la version de 1953, comme nous pouvons le voir sur ces images.

 
La victoire est mise en exergue par les différents plans qui montrent la destruction des vaisseaux partout dans le monde. Cette même victoire est alors due à dieu, comme le montre le son de cloches, le chant religieux et le plan insistant sur l'Eglise. Il pourrait alors s'agir d'une sorte de rédemption programmée, dieu ayant prévu le besoin de l’homme d’être sauvé, et créant ainsi la nature sur Terre.
Cette même nature est-elle même très présente. Dans le roman de H.G Wells elle va de pair avec la mort des Martiens. Effectivement, le narrateur appréhende cette nouvelle au lever du soleil, celui-ci étant omniprésent, notamment dans cet extrait: « tripodes inoffensifs de métal brillant, ils étincelaient dans la gloire du soleil levant ». De plus, des oiseaux s'agglutinent sur les tripodes qui ne fonctionnent plus. Notons également que le dernier plan de l'adaptation cinématographique de 1953 se situe en pleine campagne, loin de la ville. Mais l'exemple le plus éloquent est dans la conclusion de la version de Steven Spielberg.

   
Dans cet extrait, alors que nous pouvons entendre le discours de la voix off, la caméra se focalise sur une branche nue, d'apparence morte. Mais nous voyons tout de même par un traveling avant qu'elle fertilise, et qu'elle contient ces fameuses bactéries responsables de la mort des Martiens. Il y a alors une sorte de renversement de l'ordre des grandeurs: c'est ce qui est le plus petit qui est le plus puissant, malgré les apparences.
Nous pouvons alors dire qu'il y a une certaine suprématie de la nature dans La guerre des mondes: instaurée par dieu, elle est la véritable victorieuse de la guerre contre les Martiens. Ainsi, ce n'est pas l'homme qui combat, comme pourrait le laisser présager le titre, mais la nature. Nous pouvons même dire que d'une façon plus générale, il s'agit de la Terre elle-même. Effectivement, cette dernière est de nombreuses fois personnalisée dans les trois versions. Lors de l'invasion, elle semble même saigner.
Nous pouvons d'abord dire que la couleur rouge est primordiale dans les différentes œuvres; dans celle de Byron Haskin, elle apparaît massivement à la fin, lors de l'attaque finale dans la ville qui est en feu. Le roman référent et l'adaptation de Steven Spielberg évoquent quant à eux l'Herbe Rouge: végétation Martienne, elle s'infiltre partout et elle est composée de sang.
Dans cet extrait, tiré de la version de 2005, le protagoniste sort enfin, après des jours d'enfermements, pour retrouver sa fille.


L'Herbe Rouge, dans sa composition, rappelle des boyaux humains, et la flaque devant la maison ne fait que consolider le malaise face à cette nature devenue presque « gore ». De plus, lorsqu'il monte sur la colline, son point d'observation est particulièrement éloquent: le fait que cette Herbe s'étende jusqu'à l'horizon démontre une certaine généralité d'un mal au premier abord humain, mais de façon plus universelle Terrien.
En quelque sorte, en plus de la souffrance des hommes face à l'invasion, la Terre souffre également. Par le biais de la nature, elle est donc amenée à se défendre, et à protéger son intégrité. Mais le fait qu'elle protège l'Homme n'est pas anodin, car celui-ci a mérité cette protection. En s'habituant aux bactériens Terriennes, pendant de nombreuses générations, il mérité alors sa place sur Terre.
Nous pouvons alors évoquer la théorie de l'évolution de Darwin, qui était d'ailleurs particulièrement à la mode au 19ème siècle, et dont H.G Wells a du entendre parler: une race évolue par sa capacité à s'adapter à son environnement, et en cela elle gagne sa force. C'est ce qui se passe alors pour les hommes, qui se sont agrémentés de la Terre et qui y vivent dans une cohésion qui leur permet de s'épanouir. La mort des Martiens peut alors être également victorieuse pour l'humanité, qui n'y est alors pas complètement étrangère.
   Cependant, un passage du roman de H.G Wells prête à confusion, tiré de l'excipit: « Obscure et prodigieuse est la vision que j'évoque de la vie, s'étendant lentement, de cette petite serre chaude du système solaire, à travers l'immensité vide de l'espace sidéral. Mais c'est un rêve lointain. Il se peut aussi, d'ailleurs, que la destruction des Martiens ne soit qu'un court répit. Peut-être est-ce à eux et nullement à nous que l'avenir est destiné ». Ce qui est réellement mis en exergue dans ce passage, c'est la vie, et non l'homme. Elle semble indépendante de l'humanité, cette même humanité qui est minimisée par contradiction aux termes: « l'immensité vide de l'espace sidéral ». Le narrateur accepte même l'éventualité que ce soient les Martiens qui concentrent la vie: cela montre la personnalisation et la suprématie de la vie sur l'homme, car elle ne dépend pas de lui.
  Cette réflexion de H.G Wells engendre l'idée d'une remise en cause du narcissisme humain, par le biais de l'invasion extraterrestre: cela nous rappelle alors que nous ne sommes que des porteurs de la vie, et non la vie elle-même.